Vainqueure de la F1 Academy le week-end dernier à Las Vegas, Doriane Pin espère à moyen terme intégrer le cercle très fermé des femmes qui ont piloté en Formule 1. La Française de 21 ans ne s’interdit rien.

C’est un titre qu’elle a partagé en équipe. Ce dimanche à Las Vegas, Doriane Pin est devenue la première Française à s’imposer en F1 Academy, le championnat de monoplace 100% féminine dont les sept épreuves sont courues sur les mêmes circuits et le même week-end que le championnat de F1. "C'est un aboutissement après toutes ces années de travail. Ce n'est jamais facile de gagner un titre", a confié la pilote de 21 ans auprès de l’AFP.

"Mon rêve a toujours été de faire de la monoplace et d'arriver un jour en F1. J'ai beaucoup appris durant toutes ces années en endurance mais quand on a pris cette décision de venir en monoplace, on ne l'a pas fait à moitié, on a vraiment tout donné et c'est pourquoi ce titre compte beaucoup. J'ai aussi envie de prouver à moi-même que j'ai ma place à cet endroit. Gagner ce titre, c'est fondamental pour la suite de ma carrière aussi. C'est important de gagner des courses mais des titres, c'est encore mieux. C'est sûr que ça va m'ouvrir des portes pour la suite."

Championne de France à 15 ans, premier contrat professionnel à 17

Rêver très grand, Doriane Pin y pense dès son plus jeune âge. Alors qu’elle n’a que 7 ans, elle demande à son père de faire du kart. Mais trop jeune et trop petite, elle doit attendre de souffler ses neuf bougies pour avaler les kilomètres sur les pistes.

La carrière de Doriane Pin bascule définitivement en 2019. Alors qu’elle doit sélectionner ses courses - faute d’avoir trouvé des sponsors - elle s’aligne sur les championnats de France de karting… qu’elle remporte, âgée seulement de 15 ans. C’est justement au cours de ces longues années de karting qu’elle rencontre un certain Isack Hadjar. Les deux pilotes, nés en 2004, sont amis et partagent cette passion commune.

Depuis, la vie de la pilote tricolore file à vitesse grand V, et les succès sont bel et bien au rendez-vous. Sélectionnée en 2020 pour le programme "Girls On Track - Rising Stars" organisé par la FIA 2020, elle a eu l’opportunité de piloter une Ferrari GT. "Dès que j’ai su que j'allais tester cette voiture, j’ai arrêté de faire mes devoirs", explique-t-elle dans l’émission “En Aparté” sur Canal+. "J’ai trouvé le mode d’emploi pour que je puisse la connaître de A à Z. Je n’avais jamais roulé au volant d’une voiture comme celle-là. J’ai regardé 10.000 vidéos du circuit du Mugello, pour connaître tous les virages, les vibreurs, les caractéristiques. J’appréhendais, forcément. Quand je suis sortie des stands, j’avais l’impression d’avoir déjà piloté la voiture. Pendant deux mois, je n’ai fait que ça tous les soirs avant de dormir. Ce test était amplement réussi, et j’ai eu un contrat pro dans la poche." Contrat signé en 2021, à seulement 17 ans, avec l’écurie italienne Iron Dames.

Conseils de Lewis Hamilton

Dès l’année suivante, "Pocket Rocket" (surnom donné à cause de son petit gabarit, 1,59m) remporte sa première victoire en Ferrari Challenge Europe, avant de rejoindre l’écurie Prema Racing en 2023. Mais Doriane Pin va voir sa carrière prendre un nouveau tournant en 2024. Membre du programme de jeunes pilotes de l'écurie Mercedes, elle est notamment conseillée par le boss Toto Wolff, mais c’est grâce à Lewis Hamilton que la Française passe un cap. "J’ai pu échanger avec lui", a-t-elle révélé sur Canal+. "C’est celui qui m’a inspiré. Je le regardais à la télé quand j’avais 4 ans. Il est accessible. Il m’a donné des conseils: ‘Prends note de tout ce que tu fais, de tout ce que tu apprends.’ Il m’a dit d’écrire, de tenir un journal, un carnet de bord. C’est ce qu’il fait toujours en F1. Et moi depuis le karting, j’en tiens un. D’où l’importance d’avoir discuté avec lui."

Doriane Pin a peut-être relu ses notes avant d’aborder la saison 2025 de F1 Academy. Deuxième en 2024, la Tricolore a remporté l’édition de cette saison à l’issue de la dernière course à Las Vegas. Elle a été très régulière tout au long de la saison puisqu'elle a remporté quatre victoires, est montée huit fois sur le podium et n'a jamais terminé au-delà de la sixième place en 14 courses. Dans la voie des stands, la Tricolore a sauté dans les bras de Toto Wolff et a également été félicitée chaudement par le Britannique George Russell et l'Italien Andrea Kimi Antonelli, les deux pilotes de F1 de l'équipe allemande.

Une femme en Formule 1? Doriane Pin y croit

Quelle sera la suite désormais? La Française n'a pas encore décidé vers quel championnat elle se tournerait l'an prochain mais son objectif reste le même: atteindre la F1. "C'est encore incertain, on n'a pas encore pris de décision", confie-t-elle à l’AFP. "J'ai beaucoup appris en F1 Academy et cela va m'aider. Cette année, le vainqueur du championnat remporte une prime donc on a le choix d'aller où on veut l'an prochain. Il y aura des décisions à prendre dans les prochaines semaines pour choisir quelle sera la meilleure option pour avoir du succès et une grande carrière. C'est une décision très importante. L'objectif pour moi, c'est la Formule 1 donc la monoplace reste la priorité. Mon objectif, c'est d'atteindre le plus haut niveau et je ferai tout pour y arriver."

Déjà au départ des courses du championnat du monde d'endurance (WEC) dont les mythiques 24 Heures du Mans, Doriane Pin a également disputé huit courses de FRECA (quatrième niveau après F1, F2 et F3) cette saison, obtenant deux 17e places pour meilleurs résultats. Est-ce une possibilité de la voir arriver en Formule 1 dans les prochaines années? "Oui, parce que j'y crois. Et quand on croit en quelque chose on peut soulever des montagnes. Et puis j'ai quand même montré que j'avais du potentiel."

Seules cinq femmes ont atteint la Formule 1 en 75 ans d'histoire, la dernière étant l'Italienne Giovanna Amati, qui avait pris part aux qualifications de trois GP en 1992 sous les couleurs de Brabham, sans parvenir toutefois à se qualifier pour disputer ces courses. Seulement deux d'entre elles ont effectivement disputé des Grands Prix et une seule, l'Italienne Lella Lombardi, a réussi à inscrire 0,5 point en prenant la sixième place du GP d'Espagne 1975, qui n'avait pas pu se disputer dans son intégralité. "Je pense que beaucoup de gens se disent que c'est impossible parce qu'ils n'ont jamais vu de femme en F1 depuis des années et qu'il n'y a pas de modèle, en fait. Pour la préparation technique en amont et tout ce qui est préparation physique, une athlète féminine n'est pas complètement différente d'un athlète masculin donc je suis persuadée qu'une femme est capable de rouler dans une F1 et de se battre avec les plus grands. Et c'est aussi une question de temps, de préparation, de rencontrer les bonnes personnes, des gens qui sont expérimentés et amènent cette touche en plus pour faire vraiment la différence et pouvoir ramener une femme en F1."