
Le geste technique embarrassant de Corentin Moutet a eu une incidence sur l’élimination des Bleus, même si ce raté n’explique pas tout. Mais les conséquences sur la place du gaucher parisien en équipe de France de Coupe Davis pourraient être réelles.
La scène, captée par le cameraman "inside" de la FFT, dit beaucoup de choses. Prostré sur sa chaise après sa défaite face à Zizou Bergs, qui entérine l’élimination des Bleus de cette Coupe Davis, Arthur Rinderknech est inconsolable. Il reçoit des câlins de Paul-Henri Mathieu, de Pierre-Hugues Herbert, de Benjamin Bonzi – son meilleur pote –, de Richard Gasquet. Mais quand Corentin Moutet se présente, c’est un simple check...
Alors que les Belges célébraient leur qualification, le gaucher parisien a quitté le Pavillon 37 tout seul, accompagné par un membre de la sécurité. On imagine que le retour en coulisses a dû être douloureux. Mais ce qui se passe dans un vestiaire dévasté reste dans ledit vestiaire dévasté, on connaît la musique.
Ce geste technique à la fois insensé, loufoque et irrespectueux – une demi-volée entre les jambes piteusement ratée alors que le score indiquait 6-2, 5-6 15A – a fait le tour du web. Corentin Moutet, calme, s’en est expliqué en conférence de presse.
"Par le passé, je l’ai déjà mis ce coup, a expliqué l'antihéros du jour. Les gens qui le matent à la télé, ils disent que c’est incroyable et quand je le rate, évidemment, je suis un clown. Mais c’est comme ça que je suis. J’essaie de jouer de manière spontanée et malheureusement, c’est ça qui est venu de manière spontanée."
Le tournant du match
Steve Darcis, le capitaine belge, comprenait presque l’inclassable Corentin Moutet. "C'est un magicien, c'est un mec qui joue comme ça, donc je ne pense pas qu'on peut lui en vouloir. Il est comme ça et c'est comme ça qu'il joue bien, c'est comme ça qu'il ennuie les autres, c'est comme ça qu'il fait le show parce que c'est un artiste. C'est sûr qu'aujourd'hui, ça n'a pas fonctionné. C'était un point important et probablement que ça a fait tourner le match, c'est une certitude. Mais voilà, c'est comme ça". Mais Darcis n’aurait jamais admis une telle improvisation de la part d’un de ses joueurs.
"Je lui pète la gueule, je ne sais pas", a-t-il réagi en rigolant.
Chez les Bleus, ça n’a fait rigoler personne. Arthur Rinderknech, qui se trouvait dans le vestiaire au moment de ce coup de folie, n’a pas souhaité réagir. "Ce n’est pas à moi de commenter cela, je vais laisser Paulo (le capitaine Paul-Henri Mathieu, ndlr) malheureusement répondre à cette question difficile". Le capitaine, justement, envisage de laver le linge sale en famille. "Je n'ai pas grand-chose à dire et si j'ai des choses à dire, j'en discuterai avec lui. Pour l'instant, tout est encore très chaud. Il faut que je prenne bien évidemment le temps pour redescendre un petit peu".
Corentin Moutet s’est-il excusé? A-t-il été pardonné? L'incident est trop frais pour savoir. Mais ce but contre son camp est difficilement explicable. En froid avec la FFT en 2022 à cause d'un contentieux financier, il avait intégré l’équipe en septembre dernier en Croatie pour une rencontre compliquée. À Osijek, il avait signé des débuts époustouflants, remportant ses deux simples. Même si le Parisien est un loup solitaire sur le circuit, il semblait avoir été adopté par les autres joueurs, plus fédéraux.
Quelles suites pour Moutet?
Héros malheureux de la finale de 2002 face à la Russie, Paul-Henri Mathieu sait que la Coupe Davis peut marquer au fer rouge. Ses mots en tête en tête avec Corentin Moutet revêtiront une importance capitale. L’ambiance globale comptera aussi. S’il sent que le Parisien s’est coupé du vestiaire, il est à craindre qu’on ne le revoie plus en bleu. L’avis du président Gilles Moretton pèsera également.
La question du respect du maillot se posera. Ultra-doué raquette en main, Corentin Moutet a déjà réussi cette feinte de smash à Hangzhou (2024) ou Wimbledon (2025). C’est son truc. Mais quand on représente la France, ça ne se fait tout simplement pas. C’est trop dangereux. Il appartiendra à sa hiérarchie de déterminer s'il s'agit d'"un crime contre l’équipe", pour reprendre une célèbre phrase de Gérard Houllier en 1993 lors du triste France-Bulgarie qui avait privé les Bleus du foot de la Coupe du monde 1994. L’artiste David Ginola en a longtemps porté le fardeau.