
Ce qui devait être une saison de fête, celle du retour en Europe, est en train de virer au cauchemar. À Strasbourg, le fossé entre la direction et ses supporters est devenu un abîme.
L’homme qui a sauvé le club de la faillite est-il en train de le détruire ? C’est la question tragique que se posent aujourd’hui de nombreux supporters du Racing. Marc Keller, l’icône, le bâtisseur, est devenu la cible de ceux qui l’ont tant adulé. La raison ? L’affaire Emanuel Emegha, ce capitaine qui a posé avec le maillot de Chelsea alors que la saison venait à peine de commencer. Un acte vécu comme une trahison, le symbole d’un club devenu une simple « réserve spéculative » au service de ses propriétaires américains.
Des sanctions d’une sévérité inouïe
La réponse des ultras, avec une banderole cinglante, a déclenché une réaction en chaîne d’une violence inédite. Loin de calmer le jeu, Marc Keller a sorti l’artillerie lourde. Sanctions historiques contre les quatre principaux groupes de supporters : accès aux locaux sous escorte, contrôle préalable de tous les tifos, retour des stadiers dans le kop… Du jamais vu dans le football français. C’est une déclaration de guerre, un point de non-retour.
Cette décision radicale est d’autant plus troublante qu’elle intervient dix jours à peine après la dissolution par le gouvernement du groupuscule néonazi « Strasbourg Offender ». En mettant dans le même sac des ultras historiques et des hooligans, la direction a commis une erreur d’appréciation qui pourrait lui coûter très cher. Elle a choisi la confrontation, là où le dialogue était encore possible.
Strasbourg déchiré, un héritage en péril
Le résultat est un club coupé en deux. D’un côté, une direction qui défend un modèle économique et une réussite sportive incontestable. De l’autre, des supporters qui se battent pour l’identité et l’âme de leur club. Au milieu, un entraîneur et des joueurs pris en otage, et un capitaine « dévasté » d’être devenu le bouc émissaire d’un conflit qui le dépasse.
Ce qui se joue à Strasbourg est un cas d’école des dérives du football moderne. C’est le combat entre la tradition et le business, entre la passion et la finance. Et dans cette guerre civile, il n’y aura pas de gagnant. Seulement des perdants. Et le plus grand perdant pourrait bien être l’héritage de Marc Keller lui-même, en train de s’effriter sous le poids de décisions qui semblent le déconnecter totalement de ceux qui font la vraie richesse du club : ses supporters.